Comparaison des 3 jeux South Tigris


Dernière modification 10 octobre 2025 par Krushpin

Voici une comparaison des trois jeux de la trilogie de South Tigris de Shem Phillips qui se base uniquement sur ma perception de ces trois jeux. Plus spécifiquement, je m’attarderai sur la la profondeur et la complexité des mécaniques. Spoiler alert: ce sont trois EXCELLENTS jeux!

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Pour faire un bref résumé de la chronologie des événements, j’avais déjà essayé quelques jeux de la série North Sea et West Kingdom mais ca n’avait pas cliqué tant que ca, sauf pour Vicomtes et ses extensions. Je les trouvais soit insipides (North Sea), soit trop longs pour ce que ca apportait de nouveau à ma table (West Kingdom)

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Plus tard, motivé par des reviews très positives, j’ai acheté Scholars puis on l’a joué 2 ou 3 fois et je m’en suis débarrassé. Je le trouvais un peu « scripté » dans la séquence d’actions et sans grand intérêt puisque j’ai tendance à apprécier davantage les jeux plus ouverts. Sans le savoir, je venais de commettre une grave erreur de jugement! Cependant, j’avais vu qu’il y avait un certain potentiel et je restais ouvert à y rejouer éventuellement.

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Puis le coup de théâtre est arrivé lorsque j’ai essayé Wayfarers. Ca a été un coup de foudre et on a enchainé quelques parties en une semaine. J’y ai découvert une profondeur qui m’a conquis, grâce à ses mécaniques ficelées de fil d’or. Ca m’a donné l’envie de réessayer Scholars et c’est au deuxième essai que le déclic s’est fait. Même constat que pour Wayfarers : il faut quelques parties pour mesurer l’ampleur du travail du designer au niveau des mécaniques.

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Finalement, quand Inventors est sorti, je l’attendais avec des très hautes attentes et le jeu a livré la marchandise! Encore plus tortueux que ses deux frères, il complète la trilogie avec un coup d’éclat. Je peux maintenant affirmer que Shem Phillips est une bibitte à part!

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Nous avons depuis essayé les 3 extensions de ces jeux et elles rehaussent toutes le gameplay, soit avec des mécaniques complémentaires pour équilibrer des voies stratégiques qui étaient moins optimales, soit en ajoutant de la rejouabilité.

Nous sommes maintenant sur le point d’intégrer Moonsaga à notre expérience, comme la cerise sur le sundae. Tout semble indiquer que ce trio de jeux, avec leurs extensions respectives, représentent un nouveau jalon dans la niche des Euros lourds.

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Le plus abordable des trois, autant pour ses mécaniques simples que son temps de jeu qui ne dépasse pas 90 minutes pour des joueurs habitués. Un medium heavy typique.

Dans ce jeu, on représente un voyageur qui relate ses aventures dans un journal en y décrivant les lieux visités, les gens rencontrés et les différents objets célestes observés. Honnêtement, la thématique est très abstraite mais elle permet quand même de bien assimiler certaines mécaniques.

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Sa profondeur s’appuie sur le fait qu’on est sans cesse tiraillé entre grossir notre machine (tableau) ou plutôt l’optimiser et l’utiliser pour se concentrer sur la course à la diversification d’icônes. C’est justement cette mécanique qui détermine la durée du jeu. Si un joueur « rush » et se concentre à atteindre le bout de la piste de journal, la partie se termine abruptement et on n’a pas le temps de profiter de notre tableau assez longtemps. Il faut constamment se battre pour rester sur la fine clôture, ne pas trop pencher d’un côté ou de l’autre et se sortir du « tempo ».

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La profondeur repose aussi sur la vaste sélection d’actions qui mènent à nous diversifier obligatoirement dans la collection d’icônes. Cela est nécessaire pour progresser dans la partie mais, en même temps, ca va à contresens du principe classique voulant qu’il faille se spécialiser pour bonifier nos actions. Il faut donc rester alerte quant au rythme de progression de la partie. Heureusement, on a le temps de voir la fin du jeu se profiler et de s’y préparer mais il faut étirer l’élastique de l’optimisation de notre machine autant que possible pour se donner des opportunités de scoring.

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La complexité de Wayfarers est significative si on la compare à la moyenne des autres jeux de lourdeur medium mais elle demeure digeste pour un jeu de cette envergure. Des mécaniques bien connues et répandues de placement d’ouvriers, de manipulation de dés, de collections d’icônes et de tableau building sont au cœur du jeu. Ainsi, ce ne sont pas les mécaniques en soi qui lui donnent sa complexité mais plutôt la façon dont elles sont tissées si serrées. Chaque action a des répercussions à court et à long terme qu’il faut savoir prévoir et évaluer. Ainsi, il est recommandé de préparer une séquence d’actions optimales et d’être prêt à s’adapter avec des plans B et C et D, advenant le cas où un autre joueur nous mette un bâton dans les roues… Et ca arrive souvent!

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Les règles sont globalement simples et, lorsqu’intégrées avec la thématique, s’apprennent bien. Comme dans tout jeu de Shem Phillips, il y a quelques petites règles faciles à manquer. Ca fait partie de la courbe d’apprentissage et il faut l’accepter, mais ce n’est pas un frein au plaisir. Personnellement, j’aime bien relire les règles après une ou deux parties : ca permet de voir si on a tout bien appliqué du premier coup ou si des ajustements s’imposent.

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L’extension ajoute de la profondeur mais aussi des règles additionnelles et c’est pourquoi il est fortement recommandé de jouer le jeu vanille avant de l’intégrer.

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L’enfant du milieu. Il est plus long que Wayfarers (2h environ) et peut être considéré comme un Euro heavy.

Dans ce jeu, on découvre des parchemins écrits en diverses langues et on les traduit vers l’arabe. Pour ce faire, on engage des traducteurs et on les fait travailler. On peut aussi améliorer nos actions en montant notre influence dans diverses pistes.

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La profondeur de Scholars repose, un peu comme son frangin, sur l’équilibre fragile entre se spécialiser dans un type d’action et se diversifier pour être capable de profiter de plusieurs aspects du jeu. Notamment on veut rapidement grimper le long des nombreuses tracks, on veut batailler pour la majorité dans les secteurs d’influence et se positionner avantageusement pour la traduction de parchemins en engageant des traducteurs compétents (mais pas trop chers!).

Il faut ajouter à cela une bonne dose d’interaction entre les joueurs. Il y a la course classique aux meilleures actions mais aussi un aspect « semi coop » où chaque joueur peut utiliser les traducteurs que les adversaires ont engagés, à condition de payer une compensation. En le « sous-contractant », ce traducteur prend donc sa retraite plus tôt que prévu. Cela a du positif pour son propriétaire (un retraité donne des PV en fin de partie) mais aussi potentiellement du négatif puisque le traducteur n’est plus disponible pour travailler (retiré du plateau). Le timing devient alors un enjeu important.

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En termes de complexité, c’est une coche au-dessus de Wayfarer car il faut faire plusieurs petites étapes entre la découverte d’un parchemin et le moment où il est finalement traduit. Il est facile de manquer une action et de voir notre plan général s’effondrer. Même si le jeu offre plusieurs façons d’arriver à notre but, il peut être brutal si on se peinture dans un coin. Et ca arrive durant les premières parties! Le fait que les autres joueurs compétitionnent pour engager les mêmes traducteurs ajoute de la tension. Il faut pouvoir réagir rapidement et chaque dollar manquant peut mener à notre perte.

Si on dégaine trop vite pour une traduction payante, ca peut s’écrouler si chaque étape n’a pas été bien planifiée. Il faut tisser sa toile tranquillement et la solidifier avant d’y aller pour le grand coup. C’est ce qui le rend satisfaisant quand notre plan se déroule bien!

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Une mécanique particulière qui augmente la complexité de Scholars est celle de la manipulation des couleurs de dés qu’on peut de surcroît modifier avec nos travailleurs. Il faut bien se souvenir de son cours d’arts plastiques au primaire car on peut combiner des dés de différentes couleurs primaires pour en faire des couleurs secondaires (plus fortes). Ensuite, on les agence à des travailleurs pour modifier encore une fois la couleur et/ou la valeur des dés! Cette mécanique tordue est en soi un puzzle à résoudre à chacun de nos tours! C’est comme un mini-jeu dans le grand jeu.

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L’extension ajoute d’autres mécaniques complémentaires et également un peu de complexité (track additionnelle, dés noirs, parchemins à publier…). Encore une fois, je suggère de jouer au jeu de base avant d’y ajouter l’extension. Cela dit, de la trilogie, je crois que c’est cette extension que je préfère et qui ajoute le plus au jeu original.

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Le cadet de la famille. Il est le plus tordu des trois jeux et le plus long aussi (2h30). Définitivement un heavy, voire très heavy.

Dans ce jeu, on incarne un inventeur dont notre rôle est de concevoir, inventer, publier et tester nos bidules. Plus on met de temps, d’argent et d’énergie à peaufiner nos inventions, plus elles rapportent de PV.

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La profondeur de Inventors se manifeste dans une floppée de mécaniques ficelées tellement serrées que chaque petite action a des répercussions partout sur le plateau, pour nous et aussi pour nos adversaires. C’est littéralement une science d’essayer de visualiser tous les impacts qui seront générés par nos coups.

Les mécaniques de placement d’ouvriers, manipulation de dés et tech tree à développer s’imbriquent tellement bien entre elles que ca en est de la poésie. Avec une économie très serrée qui s’ajoute à ca, surtout en début de partie, chaque action devient un pensez-y bien.

Comme dans Scholars, il y a une forte interaction de type « semi-coop » car une fois que notre invention est conçue, tout le monde peut participer à la construire, la publier ou la tester. Parfois, on souhaite que les adversaires participent pour accélérer le développement de notre invention et en récolter des PV. Cependant, on veut aussi se garder l’opportunité de récolter nous-même les récompenses des étapes intermédiaires. C’est parfois tentant de participer aux inventions des autres mais est-ce que cela en vaut la peine au détriment de nos propres projets? Plein de belles décisions à prendre!

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Pour faire avancer nos inventions, il faut payer nos travailleurs qui gagnent en compétence à force de les utiliser. Comme dans la vraie vie, plus tu es compétent, plus tu vends tes services chèrement. Encore une fois, on est pris entre deux feux : on veut améliorer nos travailleurs mais sera-t-on en mesure de les payer quand on aura besoin d’eux? Une autre belle preuve de profondeur de mécanique bien intégrée.

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Au niveau de la complexité, Inventors se démarque de ses frères du fait que chacune des 5 grandes étapes de développement d’invention se subdivise en 7-8 sous-étapes. L’ordre des ces étapes est important et il est facile d’en oublier une ou deux. L’aide de jeu n’est donc pas une option mais bien une nécessité pour les premières parties.

La façon de calculer les points de victoire en fin de partie est aussi assez mélangeante. Chaque invention récompense son concepteur, son constructeur, son publicateur et ses testeurs de différentes façons et selon certains critères de performance. Il faut porter attention à toutes ces opportunités de scoring tout au long de la partie et « pousser » les inventions qui récompensent bien notre stratégie.

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Pour ce qui est de l’extension, c’est la plus simple des trois jeux. Grosso modo, chaque joueur aura deux pouvoirs asymétriques en début de partie : un avantage et un inconvénient. Il faut donc forger notre stratégie autour de ca.

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Conclusion

À mes yeux, il y a une très belle progression de profondeur et de complexité entre les trois jeux. Il faut absolument les jouer dans leur ordre de sortie pour ne pas manquer une marche et débouler l’escalier longtemps. Je suis extrêmement reconnaissant d’avoir pu réessayer des jeux de Shem Phillips après des débuts un peu mitigés. Avec la trilogie South Tigris, cet auteur est devenu un automatisme et j’achète tous ses jeux les yeux fermés. Apparemment qu’il concocte une dernière trilogie avec des jeux encore plus poussés. J’ai de la difficulté à concevoir comment c’est possible mais je ne demande qu’à être convaincu!

En terminant, je n’ai pas essayé les versions solo de ces jeux mais ca reste un projet. Je vous reviendrai quand ce sera coché sur ma liste!

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